Charles Pierre Baudelaire est un poète français, né à Paris le 9 avril 1821 et mort dans la même ville le 31 août 1867.
Il est l'un des poètes les plus célèbres du XIXe siècle : en incluant la modernité comme motif poétique, il a rompu avec l'esthétique classique.
Il avait sept ans lorsque sa mère, devenue veuve, se remaria avec le général Aupick.
L'enfant n'accepta jamais cette union. Placé d'abord en pension à Lyon, il étudia ensuite au lycée Louis-le-Grand à Paris, où il se signala par son indiscipline et d'où il fut exclu en avril 1839.
Après avoir néanmoins obtenu son baccalauréat, Baudelaire entreprit de mener à Paris une vie d'insouciance et de bohème, tout au moins jusqu'en 1841, date à laquelle son beau-père, soucieux d'y mettre un terme, le fit embarquer quasi de force sur le Paquebot-des-Mers-du-Sud, pour un long voyage à destination des Indes.
Ce périple, quoique écourté par le poète - il s'arrêta à l'île Bourbon (la Réunion) -, ancra profondément chez lui le goût de l'exotisme, thème très présent dans son œuvre.
De ce voyage, Baudelaire rapporta également les premiers poèmes de son principal recueil, les Fleurs du mal, notamment le sonnet «À une dame créole».
Peu après son retour en France, en 1842, Baudelaire rencontra Jeanne Duval, dont il fit la «Vénus noire» de son œuvre, l'incarnation de la femme exotique, sensuelle et dangereuse, et qu'il aima durablement malgré leurs relations orageuses.
Cette liaison n'empêcha pas le poète de s'éprendre de Marie Daubrun en 1847 et de Mme Sabatier en 1852.
Il fit de cette dernière, pour laquelle il éprouva des sentiments tout éthérés, une figure spirituelle, la «Muse et la Madone» des Fleurs du mal.
Le jeune poète mena alors - grâce à l'héritage paternel reçu à sa majorité, en 1842 - une vie de dandy et d'esthète!; à cette époque, il fit l'acquisition de coûteuses œuvres d'art et expérimenta les «paradis artificiels» de l'opium et de l'alcool.
Son train de vie ne tarda pas à écorner son héritage : pour éviter la dilapidation de sa fortune, son beau-père et sa mère le firent placer sous tutelle judiciaire.
Le jeune poète souffrit dès lors de ne pouvoir disposer librement de son bien, et dut travailler pour vivre.
C'est poussé par le besoin d'argent qu'il se lança dans la critique d'art (Salon de 1845, Salon de 1846, Salon de 1859) et qu'il publia dans diverses revues sous le nom de Baudelaire-Dufaÿs : il fit paraître de la sorte des poèmes qui figureront plus tard dans les Fleurs du mal, mais aussi des essais littéraires et esthétiques, ainsi qu'une nouvelle, la Fanfarlo (1847).
En 1848, il commença à traduire les œuvres de l'auteur américain Edgar Allan Poe. Baudelaire n'eut aucun mal à s'identifier à cet écrivain tourmenté, en qui il voyait un double de lui-même («!Edgar Poe, sa vie et ses œuvres!», l'Art romantique).
Ses traductions de Poe font encore référence aujourd'hui.
Il fit paraître successivement Contes extraordinaires (1854), Histoires extraordinaires (1856), Nouvelles Histoires extraordinaires (1857), les Aventures d'Arthur Gordon Pym (1858), et acheva la traduction des Histoires grotesques et sérieuses en 1865.
En juin 1857, Baudelaire fit paraître, chez son ami et éditeur Poulet-Malassis, le recueil les Fleurs du mal, qui regroupait des poèmes déjà publiés en revue et des inédits.
Mais, dès le mois d'août, il se vit intenter un procès pour «outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs» (la même année, Madame Bovary, de Flaubert, connut un sort identique, mais le romancier put profiter d'un succès de scandale, ce qui ne fut pas le cas de Baudelaire).
Condamné à une forte amende, le poète, très abattu par la sentence, dut en outre retrancher six poèmes de son recueil.
Après le scandale des Fleurs du mal, Baudelaire, toujours criblé de dettes, continua de publier en revue ses textes critiques et ses traductions de Poe, auxquels vinrent s'ajouter bientôt les poèmes en prose qui seront regroupés et publiés dans leur forme définitive après sa mort, sous le titre les Petits Poèmes en prose ou le Spleen de Paris (posthume, 1869).
Les Petits Poèmes en prose sont le pendant des Fleurs du mal, dont ils reprennent la thématique, mais cette fois dans une prose poétique, sensuelle, étonnamment musicale (certains poèmes des Fleurs du mal y sont même repris en écho, sous un titre identique). Le poème en prose était alors un genre nouveau, et Baudelaire avait pris pour modèle Aloysius Bertrand, précurseur du genre avec Gaspard de la nuit (1842).
Au printemps 1866, pendant un séjour en Belgique, où il était venu faire un cycle de conférences qui se révéla décevant, Baudelaire, déjà très malade, eut un grave malaise à Namur.
Les conséquences furent irrémédiables : atteint de paralysie et d'aphasie, le poète fut ramené à Paris en juillet.
Il y mourut un an plus tard, le 31 août 1867.
Les Fleurs du mal, recueil de poèmes est l'œuvre maîtresse de Baudelaire.
Dans sa version la plus aboutie, il est composé de six parties : «Spleen et Idéal» (poèmes I à LXXXV), puis «Tableaux parisiens» (poèmes LXXXVI à CIII), «le Vin» (poèmes CIV à CVIII), «Fleurs du mal» (poèmes CIX à CXVII), «Révolte» (poèmes CXVIII à CXX) et «la Mort» (poèmes CXXI à CXXVI), qui font la synthèse entre le courant romantique (le lyrisme) et le formalisme (la recherche maîtrisée de la perfection formelle).
Le titre des Fleurs du mal pose d'emblée les marques d'une esthétique nouvelle, «moderne», où la beauté, le sublime (que désigne le terme de «fleur») peuvent, grâce au langage poétique, surgir des réalités triviales de la nature et de la chair (le «mal»).
Avec cette matière en guise d'inspiration, alliée à un travail méticuleux sur le langage poétique (utilisation de formes traditionnelles comme le sonnet, et de vers classiques, comme l'alexandrin), Baudelaire révolutionnait l'univers esthétique en prenant non seulement le contrepied de la tradition selon laquelle l'œuvre d'art était d'autant plus admirable que le sujet en était noble, mais surtout en réalisant la synthèse entre deux choix esthétiques jusque-là inconciliables : le lyrisme romantique et le souci formel.
Aujourd'hui reconnu comme un écrivain majeur de l'histoire de la poésie mondiale, Baudelaire est devenu un classique.
Barbey d'Aurevilly a vu en lui « un Dante d'une époque déchue ».
Au travers de son œuvre, Baudelaire opère une transformation radicale de l'esthétique dominante, en proclamant vouloir libérer l'esthétique de toute considération morale ou éthique.
Comme le postule si bien le titre de son recueil Les Fleurs du mal, il a renouvelé en profondeur les motifs poétiques.
Dans ses poèmes il a tenté de tisser et de démontrer les liens entre le mal et la beauté, le bonheur et l'idéal inaccessible (À une passante), la violence et la volupté (Une martyre), entre le poète et son lecteur (« Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère »), entre les artistes à travers les âges (Les Phares).
En parallèle de poèmes graves (Semper Eadem) ou scandaleux pour l'époque (Delphine et Hippolyte), il a exprimé la mélancolie (Mœsta et errabunda) et l'envie d'ailleurs (L'Invitation au voyage).
Il a aussi extrait la beauté de l'horreur (Une charogne).
Du Romantisme, Baudelaire hérite la vision du poète en marge de la société humaine, plus près de Dieu (Bénédiction) ou de Satan (Les Litanies de Satan) que du monde terrestre (L'Albatros).
Ce refus du monde matériel, notamment de l'univers bourgeois triomphant qui s'impose à la France pendant le 19e siècle, s'incarne dans une imagerie où les mouvements ascendants - élévation symbolisant le spirituel (le thème de l'ange), le mystique et le génie artistique (Les Phares) - s'opposent aux «miasmes morbides» de la Terre (Élévation), à la chute dans le néant (Le Goût du néant) et au poids du Spleen et du Temps (Spleen et La Chambre double).
Cette lutte entre le haut et le bas, entre l'Idéal et le Spleen, se poursuivra tout le long des Fleurs du Mal à travers de nouveaux thèmes comme la ville, le vin, le mal et la révolte, pour aboutir à l'ultime espoir, au dernier voyage : la mort.
Au-delà de cette représentation du monde assez typiquement romantique, Baudelaire annonce le Symbolisme.
Cela, le poème Correspondances l'illustre en faisant la description d'analogies entre les perceptions relevant de sens différents, mais aussi en suggérant une unité secrète entre les univers sensoriel et spirituel, unité que le poète aurait charge de comprendre et de traduire.
Si la foi en une telle unité n'est pas le fait de tous les lecteurs de Baudelaire, il n'en demeure pas moins qu'elle est cohérente avec une oeuvre où les sensations dominent, notamment par l'évocations de parfums, du crépuscule parisien (Recueillement ou la nuit épaisse du Balcon) ou des états sensoriels liés à l'angoisse la plus morbide (La Cloche fêlée, les divers Spleen, la première partie de Chant d'automne).