L'adjectif « romantique » était au dix-septième siècle synonyme de « romanesque ».
Rousseau l'employa plus tard dans Les Rêveries du promeneur solitaire (1782) pour caractériser la sauvagerie pittoresque des rives du lac de Bienne.
Mais c'est en Allemagne avec les écrivains du Sturm und Drang (Orage et Passion) qu'il prit son sens moderne pour désigner la poésie médiévale et chevaleresque.
C'est tardivement (Stendhal parle de "romanticisme" en 1823) que le substantif « romantisme » fut utilisé, par opposition au classicisme, pour englober les aspirations convergentes de toute une génération.
Le romantisme est né en Angleterre et en Allemagne autour de 1795, mais déjà une sensibilité nouvelle s'exprimait avec des œuvres comme les Nuits (1742) de Young, les Confessions (1781-88) et les Rêveries d'un promeneur solitaire (1782) de Jean-Jacques Rousseau ou le Werther (1774) de Goethe.
Au tout début du 19e siècle, en France, Chateaubriand (1768-1848) et Mme de Staël (1766-1817) annoncent aussi le romantisme, l'un par son goût pour l'introspection et l'autre par sa curiosité envers la jeune littérature allemande, mais ce n'est que vers 1820 que le courant romantique s'impose en France.
À partir de 1827, année où Hugo fonde le Cénacle autour duquel se réunissent Lamartine, Musset, Vigny, Nerval et des peintres comme Delacroix, le romantisme est l'influence dominante de la vie artistique et intellectuelle française.
Le mouvement est en effet d'ampleur européenne et il n'est pas sûr que ce soit en France qu'il ait pris ses formes les plus profondes.
On a pris coutume ici de l'identifier au mal du siècle, ce trouble existentiel qui ravagea toute une jeunesse désœuvrée, avide d'exprimer l'énergie de ses passions et de ses rêves, et consternée de ne trouver dans la société de la Restauration que de maigres canaux.
Par là s'explique l'imagerie vite convenue du poète solitaire, déversant ses épanchements dans une Nature complice et cultivant l'extravagance de son imaginaire exalté.
D'Allemagne vinrent pourtant des sources d'inspiration plus fécondes qui résonnent particulièrement dans le panthéisme de Nerval et Hugo : le Romantisme procède à une contestation de la Raison dont il aperçoit l'infériorité sur le cœur et l'imagination dans la connaissance de l'Univers.
Il exprime aussi une aspiration à la Liberté politique, que manifestent alors la plupart des peuples européens.
Le romantisme a complètement renouvelé le paysage littéraire français.
Il a imposé des thèmes naguère négligés tels la nature ou le fantastique.
Il a mis au goût du jour le Moyen Âge et a provoqué des modes italianisantes et hispanisantes.
Les romantiques, cherchant à la fois l'originalité et une expressivité aussi directe que possible, ont aussi aimé explorer de nouvelles formes artistiques: ils ont créé un théâtre plus libre, ils ont fait du roman un genre majeur et ils ont libéré la poésie jusqu'à inventer le poème en prose.
De fait, le romantisme est sans nul doute le mouvement artistique le plus important du 19e siècle.
Il est vrai qu'à partir de 1848, avec l'effondrement de la monarchie en France, le courant s'essouffle, ne se survivant plus qu'à travers quelques génies comme Hugo; mais avec Baudelaire, puis chez les symbolistes, l'influence romantique s'est prolongée jusqu'à la toute fin du siècle.
Les principaux thèmes du mouvement (le Moi, l'exotisme, le goût du passé, la nature...) sont donc présentés, en particulier lorsqu'ils s'appliquent au genre poétique.
Une chronologie permet de repérer les dates les plus importantes du courant.
L'esprit romantique est inséparable de la contestation des valeurs de l'Ancien Régime.
En ce sens, il anticipe sur les révolutions sociales et nationales de l'Europe et contribue à les faire éclore.
Cet aspect du mouvement ne deviendra politique qu'un peu plus tard, mais les définitions que l'on trouve de l'adjectif dès la fin du XVIIIème siècle s'accordent à repérer dans l'esprit nouveau une recherche de l'identité nationale et un souci de donner aux peuples un art qui reflète leur âme et leurs traditions. Stendhal écrit ainsi : «Le romanticisme est l'art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l'état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible.
Le classicisme, au contraire, leur présente la littérature qui donnait le plus grand plaisir à leurs arrière-grands-pères.» (Racine et Shakespeare, 1823).
Par là s'explique aussi le goût des Romantiques pour le folklore et la couleur locale.
« Le classicisme, c'est la santé; le romantisme, c'est la maladie », dit Goethe.
Des pâles figures alanguies de poètes lunatiques et de jeunes filles guettées par la phtisie hantent en effet les pages de la littérature romantique.
Chateaubriand aperçoit dans ce "vague des passions" un symptôme essentiel du désenchantement propre à une génération dont les «facultés, jeunes actives, entières, mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes, sans but et sans objet.» (Le Génie du Christianisme).
Le mal sera ravageur, inspirant plus tard le spleen baudelairien comme l'ironie flaubertienne.
Pas de grand thème lyrique plus inépuisable que le sentiment de la Nature chez les Romantiques : elle est leur confidente et leur refuge, le livre ouvert aussi sur l'âme du Monde, une cathédrale cosmique d'où s'élèvent leurs plus ferventes prières.
De nouveaux lieux guident ainsi leurs pas, solitaires ou grandioses, humbles ou exotiques : forêts, montagnes, rivages secrets des lacs ou tumultueux de l'océan. A cet hymne incessamment renouvelé s'allie une conception de l'Amour et de la Femme qui, d'Atala à Aurélia, donne au Romantisme sa morale : si la Nature est inséparable de la passion amoureuse, c'est que l'une et l'autre incarnent la chance d'une véritable rédemption.
La célèbre allégorie de Delacroix La Liberté guidant le peuple reste la meilleure illustration de l'insurrection générale du Romantisme contre toutes les barrières.
Celles-ci sont bien sûr littéraires (le théâtre et la poésie, notamment, ont été secouées durablement dans leurs formes), mais aussi politiques, et l'on a pu affirmer non sans raison que les journées révolutionnaires de 1830 et 1848 sont romantiques, comme romantiques ont été les luttes pour l'indépendance que mènent alors la Grèce, l'Espagne ou la Pologne.
De cette effervescence, Hugo représente tous les aspects, du "bonnet rouge mis au vieux dictionnaire" jusqu'au "non" définitif que son exil opposa au Second Empire.
« Le Romantisme, dit-il encore, c'est le libéralisme en littérature.»
En Musique:
Comme en littérature, le romantisme a été en musique le courant dominant du dix-neuvième siècle.
Dès 1810, Beethoven se rapproche de ce mouvement, mais c'est surtout à partir de 1821, avec le Freischütz de Carl Maria von Weber, puis avec les œuvres pour piano ou pour musique de chambre composées par Schubert que le romantisme s'impose.
Plus tard, les pièces de Berlioz, de Liszt, de Schumann et de Wagner font du romantisme l'influence dominante dans la musique du milieu du dix-neuvième siècle.
D'ailleurs, Brahms, Bruckner, Tchaïkovski puis Mahler vont permettre que ce courant tisse ses prolongements jusqu'au vingtième siècle.
La musique romantique n'a évidemment pas été conçue pour apaiser les âmes. Bien au contraire, tout vise ici à susciter l'émotion, à bouleverser.
Le piano, en remplaçant le clavecin, permet désormais d'exploiter de puissants contrastes de dynamique, ce qu'exploitent notamment Beethoven (la Hammerklavier) et Chopin (notamment à la fin de la Révolutionnaire).
De la même façon, l'orchestration devient de plus en plus audacieuse et sophistiquée, ce qui, en attendant Mahler, apparaît clairement dans la Neuvième symphonie de Beethoven et dans la Fantastique de Berlioz.
Les sonorités inventées par les romantiques sont particulièrement colorées et évocatrices, davantage en tout cas que chez des classiques comme Haydn ou Mozart.
Avec les romantiques, les formules héritées du dix-huitième siècle (notamment la forme-sonate) éclatent, un peu comme à la même époque la tragédie au théâtre.
Le problème de l'unité des œuvres se pose donc avec une acuité particulière. Certains, comme Schumann dans ses pièces pour piano (cf. les Kinderszenen, les Kreisleriana et le Carnaval), favorisent carrément l'éclatement et la pièce musicale est dès lors composée d'une multitude de fragments peu ou pas développés.
Chez Wagner, au contraire, l'opéra n'est plus divisé en numéros relativement brefs comme cela était le cas chez Mozart ou Rossini: à la place, ses opéras sont faits de coulées longues et puissantes, propres à faire ressentir la montée des passions des personnages, et c'est par le retour de leitmotive que l'œuvre conserve son unité.
De manière assez analogue, Berlioz fait revenir une mélodie de manière incessante, et c'est autour d'une telle idée fixe que tourne sa Symphonie Fantastique.
Chez Liszt, les poèmes symphoniques s'appuient sur des récits littéraires. Pour ne citer que trois exemples, Ce qu'on entend sur la montagne et Mazeppa de Hugo, ainsi que les Préludes de Lamartine ont fourni à Liszt les trames de compositions d'envergure.
Ces textes littéraires, qui ont d'ailleurs été tous les trois repris sur ce site, constituent d'excellentes illustrations du rapport Musique/Poésie que presque tous les romantiques ont aimé exploiter.
Si la littérature romantique a occupé un espace considérable pendant la première moitié du dix-neuvième siècle, il faut bien reconnaître que sa traduction musicale a peut-être eu un poids encore plus important.
En peinture:
Comme en littérature et en musique, la peinture romantique se caractérise par son goût pour la dramatisation.
De fait, alors que des peintres plus classiques comme Ingres continuent de mettre l'accent sur la clarté du dessin et de la composition, les romantiques vont préférer soigner l'intensité des couleurs.
C'est ainsi que Delacroix, notamment dans le Massacre de Scio, a scandalisé tout autant par la crudité des couleurs employées que par le sujet.
À ce propos, les romantiques n'hésitent plus à montrer des scènes violentes, propres à bousculer le public, quitte même à s'inspirer, comme dans le cas du Massacre, de la réalité la plus brutale.
Dans la Fusillade du 3 mai 1808, Goya dramatise son sujet en jouant sur le contraste entre la lumière où se trouvent les paysans espagnols et les ténèbres où sont rejetés les oppresseurs, les soldats de l'armée napoléonienne.
Les attitudes physiques des Espagnols sont particulièrement expressives, l'un rejetant ses bras en l'air alors qu'un autre a la tête entre les mains. Les taches de couleurs (le pantalon jaune, la chemise blanche, ainsi que le rouge du sang) accentuent encore la puissance de la toile.
De nouvelles voies sont également explorées par Caspar David Friedrich.
Avec le Naufrage de l'Espoir, le sujet, un navire écrasé par des glaces, est difficile à percevoir ce qui met au contraire en valeur le jeu des brisures et des heurts. La Femme à la fenêtre, elle, peut donner l'impression d'une simple scène de genre mais, ce que la femme regarde nous étant invisible, une impression de mystère se dégage de l'œuvre.
La peinture romantique a imposé de nouveaux thèmes comme l'exotisme et a renouvelé l'intérêt des artistes pour la nature.
Il a aussi accordé, comme nous le notions tout à l'heure, une importance accrue aux couleurs.
Mais c'est sans doute en faisant du peintre un visionnaire, un créateur au sens plein du terme, que le romantisme a ouvert la voie menant à l'art moderne.